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Pourquoi traduire un contenu sans autorisation est du plagiat

la traduction de contenu sans autorisation est du plagiat

Je fais une entorse aux livres et au Pumpkin Autumn Challenge pour reprendre mes articles web. Aujourd’hui, focus sur un « art » trop méconnu, les personnes qui traduisent le contenu d’autrui pour se l’accaparer et l’exploiter. C’est légal tout ça ? Spoil alert, non.

Je vole donc je suis, c’est tout un art…

Je suis toujours choquée par les personnes qui traduisent un texte pris un site lambda pour le diffuser pour leur compte. La palme revient à un de mes professeurs lorsque j’étais en formation en chef de projet multimédia. Il se rémunérait en ouvrant des sites internet où il payait à bas prix des traducteurs qui pompaient des articles américains. Evidemment, il savait que cela était illégal, mais comme il disait avec un sourire en coin « ouais mais bon, je risque pas de me faire chopper ».

Dernièrement, mon compagnon a voulu dénoncer une « traductrice » qui se servait de cette même technique. Ce qui s’est fini par de la victimisation, menaces ou autres intimidations de la part des fautifs et d’une partie de la communauté. D’où l’idée de cet article, même si je doute que les concernés prennent le temps de me lire, et que cela les fasse se remettre en question.

Dans le cadre de mes études, j’ai un peu étudié le droit numérique. Je ne suis pas une experte mais j’espère avoir assez de connaissances pour faire un point sur cette problématique trop souvent usitée.

Que dit la loi française ?

Lorsque l’on parle de contenu

Le contenu englobe un terme très général et non exhaustif. Il s’agit d’un élément ou d’une création que l’on peut voir, entendre ou lire. Cela concerne donc (entre autres): un article, une interview, une infographie, une photo, une illustration, une vidéo…

C’est très vague mais j’ai pas mieux comme définition.

La définition du droit d’auteur

Le droit d’auteur est la protection juridique d’une œuvre originale.

L’article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle stipule que « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code. »

L’article L113-1 stipule aussi que « La qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée. »

Tout le monde est concerné par le droit d’auteur. Il y a des exceptions mais elles sont mineures.

Les droits de l’auteur

Ils sont en nombre deux.

Les droits moraux:

  • Le droit de paternité: le droit d’exiger que son nom ou pseudo soit mentionné. (Article L121-1 du code de la propriété intellectuelle)
  • Le droit de respect de l’intégrité de l’œuvre: le droit de s’opposer aux atteintes et intégrité de son œuvre. (Article L121-1 du code de la propriété intellectuelle)
  • Le droit de divulgation. (Article L121-2du code de la propriété intellectuelle)
  • Le droit de repentir ou de retrait. (Article L121-4du code de la propriété intellectuelle)

Les droits patrimoniaux qui sont les droits de rémunération de l’auteur. Cela concerne tous les formats et supports, y compris la traduction ou l’arrangement de l’œuvre.

La définition légale du plagiat

Selon le Code de la propriété intellectuelle, le plagiat est considéré comme « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayant cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque » (article L 122-4).

Le plagiat vaut pour toutes les formes et tous les supports, que l’on soit professionnel, passionné ou simple bénévole. Après tout, ce serait beaucoup trop facile de s’accaparer un contenu et de se croire inatteignable sous prétexte que c’est fait bénévolement et pour un public de passionnés. Non ?

A ceux qui argumentent…

Attention, en terme de contre-attaque, j’ai souvent entendu du lourd ! Surtout qu’à chaque fois, je ne peux pas m’empêcher d’imaginer une voix de beauf qui me parle. Et c’est priceless.

Oui mais c’est du contenu d’un journaliste, ça compte pas !

Si si… Toujours selon le code de la propriété intellectuelle, article L. 132-37:« L’exploitation de l’œuvre du journaliste sur différents supports, dans le cadre du titre de presse défini à l’article L. 132-35 du présent code, a pour seule contrepartie le salaire, pendant une période fixée par un accord d’entreprise ou, à défaut, par tout autre accord collectif, au sens des articles L. 2222-1 et suivants du code du travail. »

De plus, la loi du 12 juin 2009 dite loi HADOPI a instauré un principe de cession automatique des droits d’exploitation des œuvres des journalistes à l’employeur. On peut donc en déduire que le propriétaire de l’œuvre est l’employeur (cf Article L113-1 du code de la propriété intellectuelle, mentionné plus haut). Dans tous les cas, on ne peut pas pomper du contenu journalistique à loisir. CQFD.

Mais ça leur fait de la pub gratuit, il devrait être content !

Ou encore la fameuse variante « bah j’ai trouvé ça librement sur Internet donc j’ai le droit ! »

En cours de marketing, la première chose que l’on nous apprend c’est que « si c’est gratuit, c’est que c’est toi le produit ». Mais là c’est pas vraiment le même délire. Ce n’est pas parce que c’est accessible que l’on peut l’exploiter. Après tout, c’est logique ! Dans un musée, même si l’entrée est gratuite, tu ne vas pas voler une œuvre sous prétexte que tu la trouves jolie pour le mettre dans ton salon et l’exposer sur les réseaux sociaux ? Non ? Bah là c’est pareil !

Dans le cadre de mon exemple, à savoir traduire du contenu sans citer l’auteur, ce n’est même pas faire de la publicité, puisqu’il n’a aucune visibilité. La base est à minima de citer ses sources ou les auteurs. La bonne pratique est encore de lui demander l’autorisation.

Oui mais c’est du contenu traduit d’un site web américain donc ça compte pas !

Je n’ai étudié que le droit numérique français, mais en fouillant, j’ai eu plusieurs éléments de réponse.

La Convention de Berne est un instrument juridique international visant à la protection des œuvres et des droits d’auteurs dont fait partie les Etats-Unis. Parmi les droits de cette convention, il est stipulé que la traduction est reconnue comme un des droits exclusifs nécessitant une autorisation de l’auteur.

Mon livre de cyberdroit (celui en photo) m’a aussi éclairé sur les droits du journaliste à l’étranger. Il est cité la jurisprudence américaine n°00-201, du 28 Mars 2001. Plusieurs journalistes indépendants belges ont portés plaintes contre plusieurs éditeurs de presse américains pour avoir reproduit en ligne leurs articles sans leur autorisation ni rétribution. Après plusieurs procès, le débat a été tranché par la Cour suprême, la plus haute instance juridique des Etats-Unis. Rien que ça. Elle a condamné la pratique qui consiste à reproduire (ici un groupe de presse sur un site web) des articles de journalistes sans leur demander l’autorisation ni les rémunérer.

Encore une fois, je ne suis pas experte, mais en toute logique, les Etats-Unis condamne la pratique de traduire du contenu émanant d’un site web américain sans autorisation ni mention, même si c’est dans un autre langue et pour un autre pays.

C’est fait bénévolement donc ça compte pas.

Ce n’est pas parce que tu te fais mousser en traduisant, sans autorisation, du contenu gratuitement que tu ne risques rien. Le droit d’auteur vaut pour tout le monde, peu importe l’âge, le statut ou la finalité. Je peux comprendre que l’on méconnaisse la loi numérique car spécifique, complexe et très récente. J’ai moi-même halluciné et choppé pas mal de migraines lorsque je l’ai étudié. Et je ne l’ai pas étudié longtemps. Sauf qu’en 2021, on ne peut plus se cacher derrière le « bah je ne savais pas… ». Parce que nous sommes entourés d’informations facilement trouvable en quelques clics.

Pourquoi nous gâcher notre plaisir ! (Ou l’art de la victimisation)

Cet art est pire encore lorsque l’on sait que ce que l’on fait est illégal et que l’on continue sciemment, en prenant de haut ceux qui leur rappellent la loi, tout en se victimisant. Petit florilège: « Mais pourquoi gâcher notre plaisir, on ne fait rien de mal… », « On est juste un petit groupe de passionnés », « Vous voulez faire le délation , vous cherchez à nous nuire ! ». Des propos où je le rappelle, des personnes font sciemment quelque chose d’illégal. Mais comme c’est trop dur de se remettre en question, ils prennent les autres à partie en se faisant passer pour les victimes d’un acharnement ou d’une injustice. C’est une technique de manipulation comme une autre et elle est très répandue.

D’ailleurs, ce genre de réflexion me fait penser à une émission « Les dossiers de l’écran » diffusé en 1986 sur les tabous de l’inceste. Pour la première fois, une femme a osé lever le tabou dans un livre et s’est faite lyncher publiquement avec pour contre-arguments des propos très sales et assumés. Un exemple ? « J’ai des relations quotidienne avec ma fille de 13 ans, pourquoi empêchez-vous les gens d’être heureux ! »

Alors certes, dans le cas de plagiat, on est sur un acte beaucoup beaucoup beaucoup moins grave mais niveau attaque, victimisation et lynchage, ça ne vous rappelle rien ? Nan parce que en toute objectivité, dans la forme et niveau argumentation, on est exactement sur le même niveau de dégueulasserie.

Tout le monde fait pareil de toute façon…

Jusqu’à temps que tu te fasses chopper, et là tu pleureras du sang. Parce que l’on va pas se leurrer, l’IA (ou Intelligence Artificielle) permet via des logiciels de repérer le plagiat, laissant ainsi aux auteurs le choix de prendre les mesures nécessaires. Je ne suis pas experte, mais il me semble que ces logiciels ne fonctionnent pas pour les articles traduits. Mais cela va venir, l’IA a encore de beaux jours devant elle. Donc dites-vous qu’à un moment donné ou un autre, vous vous ferez fatalement chopper.

Pour information, niveau sanction, le Code de la propriété intellectuelle définit dans l’article L335-3, que « est également un délit de contrefaçon (ou de plagiat) toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi. » et que l’article L335-2 prévoit que « la contrefaçon (ou le plagiat) en France d’ouvrages publiés en France ou à l’étranger est punie de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. »

Alors, ça vous ne refroidit pas ? Vous ne préférez pas créer votre propre contenu ? Vous ne pourrez pas dire que vous n’êtes pas prévenu !

Au pire vous pourrez toujours demander à votre ego surdimensionné de vous payer les frais d’avocats ou de rémunération aux tarifs où l’auteur l’aura décidé hein…

5 commentaires sur “Pourquoi traduire un contenu sans autorisation est du plagiat”

  1. Bonjour,
    J’ai pris l’initiative de proposer, sur un comte Instagram, des traductions d’extraits d’une œuvre d’une auteure anglophones non traduite en français (j’ai contacté son éditeur français mais je n’ai pas eu de réponse). Je précise à chaque fois le nom de l’auteure en question, les références de l’ouvrage et le pourquoi de ma démarche. Je ne tire aucun profit financier de ces traductions. Voulant m’assurer que j’étais dans la légalité – en particulier dans la perspective de poursuivre cette entreprise sur plusieurs mois – je suis tombée sur votre article qui m’a interpellée : suis-je, selon vous, hors cadre légal ?
    Merci par avance de votre réponse !
    Bien cordialement,
    Katia

    1. Bonjour Katia,

      Merci pour ton commentaire.
      Alors, je ne suis pas experte mais de ce que j’en ai compris, je dirais que tant que tu assures le droit de paternité (nom de l’auteur, source…) tu ne devrais pas avoir de problème, surtout si tu n’en tires aucun bénéfice financier et que tu peux prouver que tu as demandé l’autorisation sans avoir de retour.
      Par contre, si un jour l’auteur te demande des modifications et/ou des suppressions, tu devras t’y plier.
      Voilà, j’espère t’avoir éclairé !

  2. Bonjour,

    Je suis tombé sur votre article en essayant de trouver la réponse à ma question. Malheureusement, dès qu’on utilise le mot traduction, les moteurs de recherche ont tendance à renvoyer surtout une traduction des mots clés utilisés.

    Si je suis un.e particulier.ère, est-il légal de rémunérer un.e traducteur.trice d’une œuvre d’origine étrangère afin qu’iel réalise une traduction pour mon usage purement privé ?

    Cordialement
    Thomas

    1. Bonjour Thomas,

      Merci de votre commentaire.

      Vous me posez une petite colle… Là comme ça, ce qui me saute au yeux c’est que vous souhaitez faire une traduction à titre privé, ce qui est différent de le rendre publique (même si gratuit).
      Peut-être que dans ce cas, vous rentrez dans le cadre de la « copie privée » ?

      L’article L.122-5 du Code de Propriété Intellectuelle stipule que « Les particuliers. Ils ont la permission de copier les œuvres qu’ils ont légalement obtenus sur tous leurs supports de stockage, pour les regarder dans un cadre privé. » Tant que vous avez acquis le bien légalement, vous devrez être en droit de le traduire puisqu’il vous appartient et que vous le traduisez à titre privé ?

      Peut-être que des forums de droit seront de meilleur conseil que moi sur ce sujet bien spécifique mais j’espère vous avoir aiguillée.

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