Le journal intime de Nicolas II, le dernier tsar de Russie peut paraître surprenant à lire. A travers ses yeux, on découvre le quotidien de la famille impériale de la mort de Raspoutine à leur exécution.
J’ai toujours aimé l’histoire et j’ai été fasciné par le destin du dernier tsar de Russie et de sa famille, tuée sordidement par les bolcheviks, sous fond de révolution, dans une cave d’Ekaterinbourg. Je me suis toujours demandé comment on peut en venir à tuer toute une famille et surtout des enfants. A rajouter à cela des origines russes lointaine et Anastasia comme dessin animé préféré, le combo est parfait.
Avant d’entamer ce livre, il faut prendre en considération 2 choses: Nicolas II n’avait pas à vocation de publier son journal, et si on a parfois l’impression que, dans ces écrits, il se contient, c’est sûrement par peur que ses geôliers tombent dessus et se vengent.
Le journal commence à la mort de Raspoutine, en Décembre 1916. Bizarrement, Nicolas II en parle peu, sauf le jour de son enterrement. On se rend compte que c’est un bosseur, il passe ses journées à faire des entretiens avec des membres de son gouvernement ou ses conseillers.
Il ne semble pas avoir conscience de la gronde qui monte et est déconnecté de la réalité. La manière dont il relate son abdication est très surprenante. On ne le voit pas venir, peut-être que lui non plus. Il annonce son abdication en 1 ou 2 phrases courtes. On ressent aussi du soulagement face à cette décision. Les jours suivants son abdication, il dort comme un bébé et passe beaucoup de temps avec sa mère.
A Petrograd, des désordres ont éclaté il y a quelques jours et, à mon grand chagrin, les troupes se sont mises à y prendre part, elles aussi.
Mon abdication est nécessaire […] pour sauver la Russie et pour maintenir l’ordre dans les troupes du front il était nécessaire de prendre cette décision. J’ai consenti.
A son abdication, la famille impériale est faite prisonnière dans leur demeure du Palais Alexandre à Tsarskoïe Selo. Ils y sont enfermés avec leurs suites et des proches.
Pendant sa détention, il fait preuve de résilience, il observe mais ne se révolte pas. Sa routine est bien rôdée: il jardine, se promène avec ses enfants, lit beaucoup, va à l’église. Et c’est Monsieur Météo; si vous voulez savoir le temps en Russie à cette période, lisez son livre !
Il parle peu de ses geôliers et de la politique actuelle mais il suit les évolutions de guerre en utilisant la 1ère personne du pluriel « nous », comme si la Russie lui appartenait encore un peu…
Toute son attention se porte sur sa famille, son fils hémophile mais surtout ses filles qui ont contractées la rougeole. Maria, l’une d’elles, a même cumulée avec un pneumonie et des fièvres délirantes. Pendant cette période, il pense que sa famille va s’exiler, soit en Angleterre (le Roi Georges V est son cousin) soit en Crimée où se trouve déjà une partie de sa famille. A cause de l’état de santé de ces enfants, ils repoussent leur exil, les condamnant sûrement.
Les premières humiliations commencent. Par exemple, des badauds s’agglutinent à la grille du Palais pour les insulter et se moquer d’eux pendant qu’ils se promènent ou jardinent. Le Tsar trie et détruit des papiers important et les grandes-duchesses brûlent leurs journaux intimes.
« J’ai mis en ordre mes affaires et mes livres et j’ai commencé à préparer tout ce que je veux prendre avec moi en cas de départ pour l’Angleterre. »
« Après la messe est venu Kerenski, qui nous a priés de ne plus nous réunir que pour les repas et de vivre séparés des enfants. Il paraît que cela lui est nécessaire pour calmer le fameux Conseil des députés soldats et ouvriers ! Il a fallu se soumettre, pour éviter un acte quelconque de violence »
En vue de la Révolution qui gronde, le gouvernement provisoire envoie la famille à Tobolsk, en Sibérie. La famille impériale n’est plus à demeure et a beaucoup moins d’espace. Les conditions de détention se durciront encore plus après la Révolution d’Octobre 1917: la famille devra partager la maison avec leurs suites et ils ne peuvent pas sortir, de peur de se faire lyncher par la foule. Comme au Palais Alexandre, Nicolas Romanov passe son temps à jardiner, couper du bois, lire et monter des pièces de théâtre avec ses enfants. Il discute parfois avec les gardes et le traitement qu’il reçoit dépend des geôliers présents sur place.
Les Romanov souffrent de l’isolement et continuent de suivre, de loin, les faits de guerre ainsi que la politique actuelle. Pour l’Histoire, la plupart des photos de Nicolas II et de la famille impériale en captivité ont été prises (par l’ex-empereur lui-même et le précepteur, Pierre Gilliard) à Tsarskoïe Selo et Tobolsk.
« Ici, bien plus qu’à Tsarskoïe Selo, nous avons le sentiment d’être enfermés. »
« Combien de temps encore notre malheureuse patrie sera-t-elle martyrisée et déchirée par les ennemis et intérieurs ? Il me semble parfois que la limite de la souffrance est atteinte. On ne sait même plus quoi espérer et désirer ! »
En Avril 1918, la famille impériale est envoyé à Ekaterinbourg. Il faut savoir que les Bolcheviks avaient actés la mort du Tsar et du Tsarévitch dès Juin 1918. Le général qui les accompagne, se doutant de leurs sorts, essaye de faire dévier leur train pour les mettre à l’abri, sans succès. De tout cela, le tsar n’en saura jamais rien.
Ils arrivent donc après un laborieux voyage à Ekaterinbourg, à la villa Ipatiev dite « à destination spéciale ». Le reste de ses enfants les rejoindront un mois plus tard, lorsque le tsarévitch, malade, sera en état de voyager. On sent le tsar très concerné et inquiet par cette séparation. Ils n’en ont pas conscience, mais il ne leur reste moins de 3 mois à vivre.
Ils sont véritablement considérés comme des prisonniers, les promenades sont minutées, les fenêtres sont peintes et les humiliations se transforment en violences. Leurs affaires sont pillées, il n’est plus surprenant d’entendre des coups de feu sous leurs fenêtres, leurs conditions de vie sont rudimentaires et réduits au strict minimum. Par exemple, Nicolas II s’enjaille car ils ont pu manger de la compote, ou encore le matelot, en charge de la sécurité du tsarévitch, se fait arrêter pour avoir tenté de prendre sa défense. La famille impériale l’ignorera mais il sera exécuté quelques jours plus tard.
Pour autant, Nicolas II ne fait pas dans le patos, si il évoque les traitements et humiliations, il en parle peu et ne rentre pas dans les détails. Nous les découvrons via les notes de bas de page écrites par Jean-Christophe Buisson. Plus que de la résilience, on sent une espèce de résignation. Dès la fin Mai 1918, ses écrits se font plus court, le tsar n’entretient plus son journal quotidiennement. Ses derniers mots sont glaçants « Aucune nouvelle de l’extérieur. ». Je n’arrive pas à savoir, à travers ses mots si il se doute de la fin tragique qui l’attend. Peut-être…
A ce moment-là, il le sait, il n’a plus aucun espoir d’exil: le gouvernement en place s’y refuse, le roi George V a refusé de l’accueillir, tout comme la France et la Suisse. Il parle peu de ses états d’âme, ce qui est surprenant pour un journal intime. On se rend compte que Nicolas II n’était pas préparé à être Tsar, il ne le sera pas non plus préparé à son abdication et ses conséquences. Entraînant dans sa chute, sa femme mais surtout ses enfants, victimes collatérales des humiliations et rendant encore plus sordide la fin tragique des Romanov.
« L’application du « régime de la prison » a continué: ce matin, un vieux peintre a badigeonné de chaux les fenêtres de toutes nos pièces. »
Il faut prendre ce livre pour ce qu’il est: un fait d’histoire. Ses écrits sont redondants, les jours se ressemblent et il ne se passe rien de palpitant. Mais à l’image du journal d’Anne Frank (sans comparaison aucune avec le contexte et les conditions), ses écrits, non destinés à être publiés, sont un travail de mémoire. Comprendre comment un empire a pu connaître une telle déchéance et comment on en est arrivée à une fin si brutale et si tragique. Les notes et la préface de Jean-Christophe Buisson sont une aide primordiale pour comprendre certains aspects de l’Histoire.
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