Rimbaud Verlaine est une pièce de théâtre musicale qui se joue jusqu’au 24 Novembre 2019 au Théâtre du Gymnase – Marie Bell. Ecrit et mis en scène par Stéphane Roche, c’est un spectacle surprenant qu’il m’a été donné de voir.
Une mise en scène qui sort de l’ordinaire
Ce qui frappe le plus lorsque l’on rentre dans la salle de spectacle, c’est la mise en scène. Dès que l’on rentre dans la salle ? Oui, car le spectacle a déjà commencé lorsque l’on se place. Ici, point de levée de rideaux, on arrive la scène est déjà installée et une muse nous fixe, imperturbable. Les comédiens arrive du public, en tenue civile et récupèrent leurs costumes. Puis, le spectacle commence.
La mise en scène nous plonge chez des bourgeois, à Paris, à Bruxelles et à Londres. Elle parait évidente, sait se faire discrète et servir les acteurs… et c’est exactement ce qu’on lui demande !
Tout le long du spectacle est parcouru de chansons et de chorégraphies que j’ai trouvé fluide et ici aussi au service de l’histoire.
Des acteurs très bons
Clairement, avec Rimbaud – Verlaine, le casting est une véritable claque et une excellente leçon ! On tombe sur du haut niveau et les comédiens se tirent vers le haut, assurément.
Marion Cador, joue Mathilde Mauté, la femme de Paul Verlaine. Son jeu est celui qui évolue le plus car son personnage au début jeune et fragile prend de la rondeur et de l’austérité.
Henri de Vasselot joue M. Le Pelletier et un juge britannique. Très convaincant, il sait nous faire passer du sourires aux larmes. La scène du jugement est excellente et il y est pour beaucoup.
Eléonore Beaulieu, qui joue la mère des 2 poètes en impose de par sa présence vocale et scénique. Sobre, elle sert à merveille ces 2 mères désemparées mais remplies d’amour pour leurs fils.
Pascale Moe Bruderer joue la fée verte. Personnage charismatique (et très athlétique, elle danse tout le temps !) qui représente les émotions des 2 poètes, même si j’avoue avoir plusieurs fois eu du mal à cerner son personnage. Est-ce une muse ? Est-ce le fruit défendu ?
Stéphane Roche, aussi auteur et metteur en scène, nous joue un Paul Verlaine aux multiples couleurs: tantôt faux bourgeois guindé, tantôt bohème perdu, il dépeint la descente aux enfers du poète avec une telle justesse que cela en est aussi perturbant qu’admirable.
Eric Jetner joue un Arthur Rimbaud complètement antisocial, manipulateurs et un peu enfant gâté. On se surprend à se sentir irriter par le personnage. Plus que son jeu, Eric Jetner a de solides atouts vocaux, ses aigus dans la chanson finale m’ont fait sursauter et rester bouche-bée.
La cohésion entre Stéphane Roche et Eric Jetner est là, rendant les 2 poètes d’autant plus crédibles.
Une pièce aux services de 2 poètes incompris et précurseurs
La pièce raconte donc la rencontre des 2 poètes maudits Arthur Rimbaud et Paul Verlaine, puis leurs descentes aux enfers de Paris à Londres. On peut être un peu dubitatif, craindre un spectacle long et trop intellectuel, avoir peur de s’ennuyer… que nenni !
La pièce ne se concentre pourtant pas que sur Rimbaud et Verlaine mais aussi sur son entourage. Tout au long du spectacle, on voit la femme de Verlaine, Mathilde Mauté, tenter d’arracher son mari des griffes de son amant avant de renoncer et de laisser éclater sa vengeance devant cet affront public. On voit aussi les mères des 2 poètes assister à cette descente, impuissante mais portées par cet amour maternel inépuisable.
Certaines scènes sont poignantes, comme la scène où Mathilde Mauté, venu essayer de récupérer son mari à Londres, en vain, laisse éclater sa colère dans une chanson grave et fataliste.
Certaines scènes nous font passer du rires aux larmes comme la scène du jugement où qui commence par des rires avec un juge avide de succès et se finit dans un malaise complet avec un Paul Verlaine condamné non pas pour ses fautes mais pour son mode de vie. Une scène qui fait malheureusement écho encore de nos jours, et Stéphane Roche a su nous faire basculer en à peine quelques secondes.
La chanson « Je suis le fils du soleil » est parfaitement interprété par Eric Jetner, j’ai déjà parlé de ses magnifiques aigus, mais la chorégraphie est tout aussi entraînante. Je suis sortie du théâtre avec l’air de cette chanson dans la tête, c’est dire.
En conclusion, vous l’aurez compris, j’ai beaucoup aimé ! Et je ne suis pas la seule, la preuve par le nombre de spectateurs debout au moment des saluts, cela ne trompe pas !
Et aussi par mon accompagnant que j’ai littéralement traîné à ce spectacle musical qui le changeait beaucoup trop de son univers à son goût. J’avais peur de le voir s’endormir mais non, il a été happé par le spectacle, les chansons, le jeu des comédiens et a beaucoup aimé la scène du jugement. Comme quoi même un spectacle musical comme Rimbaud-Verlaine peut convaincre des metalleux tatoués un peu trop bourrus !